Cher Monsieur Schneidermann
Je vais tout de suite vous faire une confidence: je n’ai jamais, je dis bien jamais, regardé « Arrêt sur Image ». J’en connaissais l’existence, mais d’autre contraintes, d’autres occupations.
Alors, allez-vous dire, qu’est-ce ça peut me faire ?
Eh bien, ça me fait. Ça me fait, si les faits que vous rapportez sont exacts, si l’émission était aussi irrévérencieuse qu’on le dit. Si tout cela est vrai, ce que j’ai tendance à croire, même si vous êtes un peu polémique. Mais peut-on être vraiment critique sans être un peu, pas trop, excessif ?
Depuis 1968 (année de votre naissance selon mes sources) l’esprit libertaire qui s’était un peu (un peu seulement) introduit dans la presse s’amollit progressivement. Nous, les soixante-huitard, nous vieillissons et nos héritiers ne sont pas si nombreux. Peu à peu, la France s’enfonce dans l’ordinaire qu’une télévision « formattée », et consommée plus que de raison, inflige à des esprits qui ne savent pas combien le fait de lire un bon livre est grandement plus « formateur » que cet asservissement des sens et de l’intelligence devant des lucarnes qui ne sont plus étranges, mais horriblement perverses. C’est l’ère du politiquement correct. Et nos enfants engraissent en bouffant de la fiente hypnotisés par les séries médiocres mais d’un rapport substantiel.
Voilà. Sans doute Voltaire, s’il n’était pas mort (putain qu’il nous manque !) dirait qu’il se battra pour que vous puissiez dire ce que vous avez à dire.
Je lis sur Wikipedia que la disparition de votre émission était programmée. Voilà qui est fait.
Ne vous plaignez pas. En d’autres temps vous auriez eu droit à la Question avant d’être roué nu en Place de Grève. Quelle chance. Mais méfiance. Au train où vont les choses, ça pourrait revenir.
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