Hosni Moubarak a pris la tête de l’Egypte après l’assasinat d’Anouar el-Sadate, le 6 octobre 1981. Il faut se souvenir que ce dernier est le premier dirigeant arabe à avoir effectué une visite officielle en Israël en 1977. Ce n’est pas rien. En 1978, il signait avec Menahem Begin les accords de Camp David, ce qui lui valut de partager le Prix Nobel de la Paix. Sans doute Sadate était-il animé d’un désir de négociation et de paix qui lui a coûté la vie.
Le Président Moubarak est un des dirigeants les plus puissants du monde arabe. Toutefois, son régime n’est pas perçu comme précisément démocratique et de nombreux témoignages rapportent que les élections qui le portent au pouvoir avec des pourcentages très élevés sont probablement truquées. La tentation est donc grande de stigmatiser ce régime.
Toutefois l’on sait bien que le départ de Moubarak de l’Egypte aurait des conséquences imprévisibles (ou trop prévisibles). Les Terroristes ont déjà frappé en Egypte à plusieurs reprises, notamment pour effrayer les touristes qui sont la principale source de revenus du pays. On est donc conscient que ce Président et son régime forment un rempart contre des forces que l’on connait pour infester les pays du Proche-Orient. Et, malgré les nombreuses entorses à la démocratie, on s’accomode de ce régime parce qu’on sait bien que la fin de la stabilité politique de l’Egypte signifierait un désordre considérable.
Il est vrai que ce gouvernement prend soin d’être politiquement correct. Ou relativement correct. Car il arrive qu’on y jette en prison des opposants. La législation prohibe la torture, mais de façon discrète (un rapport du 20 novembre 2003 d’Amnesty International demandait fermement que soient mises en oeuvre dans ce pays les recommandations du Comité des Nations Unies contre la Torture).
La communauté internationale reste cependant discrète et peu active pour les raisons indiquées ci-dessus.
Ceci conduit à s’intéresser à la question de l’Irak.
Depuis que Saddam Hussein a été chassé, puis pendu, ce pays est à feu et à sang. Tout comme peut-on penser, que le serait l’Egypte si Hosni Moubarak disparaissait brutalement sans que sa succession soit sérieusement préparée.
Pour le coup, on ne comprend pas bien l’énorme bétise commise par George W. Bush. Car il est évident que le régime irakien, régime civil et non islamiste faut-il le souligner, remplissait une fonction comparable. Les suites de la chute du régime et l’espèce de guerre qui continue depuis met en évidence les forces, les appétits qui se sont désormais révélés et dont on peut raisonnablement penser qu’ils étaient domptés par la dureté du régime de Saddam Hussein. D’ailleurs, les services secrets américains ne s’y étaient pas trompés en assistant pendant une longue période les services irakiens. Mieux, Saddam Hussein constituait aussi à l’époque de la guerre froide, un rempart contre le communisme. En réalité, les relations entre la CIA et Saddam Hussein remontent à 1959 lorsque les Etats-Unis cherchaient à renverser le général Kassem en raison du rapprochement de l’Irak et de l’Union soviétique. Saddam Hussein faisait partie du commando qui tenta d’assassiner le Général Kassem le 7 octobre 1959 et, blessé, dut prendre la fuite d’abord à Damas puis au Caire où il rendait régulièrement visite au chef de poste de poste de la CIA à l’ambassade des Etats-Unis en Egypte. Et c’est en Egypte que Saddam Hussein se hissa à la tête des services de renseignement du parti Baas. Il regagnera l’Irak en 1963 et s’emparera du pouvoir en 1968.
Au fond, Saddam était très pratique. Il tenait, certes sous la botte, un pays qui n’était pas marxiste en ces temps où l’URSS s’approchait du Proche Orient (souvenons-nous aussi de Nasser, en Egypte). Cette fonction avait été également assurée par l’Iran jusqu’à ce que le Shah soit renversé (lequel Shah n’était pas précisément démocrate et pas précisément tendre avec ses opposants).
Disons que Mohammad Reza Shah Pahlavi et Saddam Hussein remplissaient les mêmes rôles, sauf que le premier était « princier » (voir son mariage avec la jeune Farah qui fit les beaux jours des magazines) et que le second était un bandit utile mais peu fréquentable.
Quand le Shah fut renversé, quand l’ayatollah Khomeini instaura le régime radical de « république islamique », le monde entier troublé par les cruautés de la Savak, ne fut pas moins troublé par le nouveau paysage politique de l’Iran. La suite est connue et, malgré diverses tentatives infructueuses de moderniser -légèrement- le régime, on voit ce qu’est devenu désormais le pouvoir dans ce pays.
Il est probable que les affaires de Saddam Hussein eussent continué à être florissantes s’il n’avait eu la mauvaise idée de vouloir s’approprier le Koweit. Sans doute la CIA l’aurait-elle laissé faire si cette campagne n’avait pas inquiété les voisins de l’Arabie Saoudite et risqué d’augmenter le désordre de l’ordre pétrolier mondial. Sur ce point, le maître de l’Irak a fait une mauvaise analyse. Il n’imaginait certainement pas la réaction des pays à cette intervention.
Mais il n’est pas bon d’humilier trop un pays vaincu. Sans doute les sanctions contre l’Irak, après sa défaite de la Guerre du Golfe, ont-elles été trop sévères. Car il est évident que, dans la mesure où l’Iran République Islamique honnissait l’occident, il fallait impérativement conserver des relations de qualité correcte avec son voisin.
D’où le dilemne. Car s’il n’est pas scandaleux d’avoir renversé Saddam Hussein, il n’en est pas moin vrai que cet évènement a ouvert un autre théatre d’opérations pour des forces dangereuses.La morale n’était pas sauve, mais, à vrai dire, elle en a vu d’autres. Mais au moins on n’aurait pas encore perdu un pays laïc du Moyen Orient.
G.W. Bush a fait le mauvais choix. Ce manque de discernement chez le Président du plus puissant pays du monde est inquiétant.