Dans un article paru dans Le Monde daté du 7 février 2008, Bertrand Bissuel et Laetitia Clavreul s’interrogent sur les raisons qui poussent Unilever à appliquer une cure d’austérité à l’usine Cogesal-Miko de Saint-Dizier (Haute-Marne) qui va se concrétiser par la suppression de 250 emplois sur 500. Cette usine a dégagé 222 millions d’euros de bénéfice en 2006 et les indications sur l’exercice 2007 sont encore très favorables. Plus généralement, les résultats d’Unilever annoncés en 2007 étaient très bons. En août 2007 on annonçait que les bénéfices, comparés à la période précédente, étaient alors en hausse de 16 %, à 1,207 milliard d’euros.
Quelles raisons alors d’appliquer ce plan à l’usine ? Est-ce encore pour augmenter les dividendes des actionnaires ? Mais n’est-il pas probable que, délestée de la moitié de son personnel, la productivité de l’usine diminue ? Ou alors tout cela fait partie d’un machiavélique plan destiné à fermer l’usine après l’avoir mise dans des conditions impossibles.
Imaginons alors, qu’au lieu d’appartenir à Unilever, cette usine soit une entreprise du type d’une S.C.O.P. (Société Coopérative Ouvrière de Production). Les S.C.O.P. sont détenues et contrôlées par les salariés qui en détiennent des parts. Du coup, il n’y a pas de dividende pour des actionnaires extérieurs. On peut décider en Assemblée Générale d’en distribuer ou non selon la situation financière. De même pour la participation qu’elles versent à tous les salariés. Dans une S.C.O.P., évidemment, la préservation de l’emploi et de l’outil de travail est un objectif aussi important que l’équilibre financier, voire les bénéfices. Si l’usine Cogesal-Miko avait été une S.C.O.P., il n’y aurait pas besoin d’augmenter les dividendes des actionnaires lointains. Mieux encore, et si c’était urgent, les 220 millions d’euros de bénéfice annuels auraient pu être investis pour accroître la productivité et donc, la compétitivité.
Dans un article du Progrès de Lyon du 11 septembre 2007, il était indiqué qu’entre 2002 et 2007 les 245 SCOP de la Région Rhône-Alpes avaient créé 1000 emplois pour passer de 3 à 4000, soit une augmentation de 33% en 5 ans.
Il y a quelques années, le patron d’une société de papeterie et bureautique d’Amiens décida de prendre sa retraite. Il aurait pu vendre son entreprise au plus offrant et partir avec son magot. Il a cependant décidé de la vendre à ses salariés. Un certain nombre d’entre eux ont accepté et acheté des parts quitte à s’endetter. Aujourd’hui cet endettement tire à sa fin alors que les salariés se sont offerts leur outil de travail et la préservation de celui. N’ayant pas d’actionnaires, l’entreprise peut se contenter de bénéfices modérés et peut donc se présenter avec des prix un peu moins élevés que la concurrence.
Le modèle des S.C.O.P. se présente donc comme une alternative sérieuse à l’économie administrée et à l’économie libérale du capitalisme effréné. On peut donc être très étonné que les candidats aux élections ne s’intéressent pas davantage à cette forme d’organisation de la production. On est aussi étonné que les pouvoirs publics vite convaincus de venir au secours des multinationales en soi-disant péril, n’investissent pas davantage pour cette firme d’établissement.
Ceci ne s’explique que par l’imprégnation capitaliste de nos gouvernants incapables de s’arrêter sur des projets alternatifs qui combinent à la fois le progrès économique et le progrès social.
Notes d’économie politique 14 – 13 février 2008
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