Article déposé sur autonomesup.com sur invitation
Chers collègues,
Voici probablement la seule contribution que je donnerai à ce blog. L’Université me met à la retraite, pour cause de limite d’âge. Je pensais naïvement que, tant que mes facultés intellectuelles seraient au moins égales à celles du plus nul de ceux qui nous gouvernent, j’aurais vocation à pouvoir continuer à enseigner. Mais j’ai mal pensé
Cette situation personnelle m’a permis d’être témoin ou acteur, selon les circonstances, des diverses réformes et actes réformateurs, depuis la rentrée 68-69 jusqu’à la loi LRU, en passant par les réformes « Fouchet », Fontanet, Savary , jusqu’à Saunier Seïté qui réussit à faire passer le service des professeurs de 75 heures de cours à 192 heures équivalent TD.
Toutes ces réformes, sauf celle de 1968, ont été préparées par des groupes restreints, sans concertation avec l’ensemble la communauté universitaire. Parfois, les syndicats ont été plus ou moins associés, mais l’on sait bien que, dans l’enseignement supérieur, la représentativité des syndicats n’est pas aussi forte qu’elle devrait l’être. S’y ajoute l’extrême dispersion des enseignants, dont certains n’ont même pas un bureau dans leur université, ou se trouvent dans des sites dispersés, ce qui ne facilite pas la communication. S’y ajoute aussi, la stratification des lieux de décision et d’information, conseils d’UFR, d’Université, CNU, CNESER, etc. Conséquence : aucune de ces réformes n’a trouvé de consensus.
Il n’est pas besoin d’être grand spécialiste en Psychologie des Organisations pour comprendre que cette façon de gouverner est typique d’une mauvaise gestion.
Mais, ce qui le plus étonnant, c’est que les universitaires, après avoir tempêté, fait grève le cas échéant, ont toujours fini par céder. De mauvaise grâce, avec quelques aménagements à la marge, toutes ces réformes ont été appliquées.
On pourrait discuter longtemps du modèle sous-jacent qu’on retrouve comme un fil rouge : former « mieux », former vers des emplois, tout en accueillant des cohortes de plus en plus considérables d’étudiants sans sélection, avec n’importe quel bac. En clair : « vous coûtez cher, vous pouvez faire mieux, travaillez plus, mais pas question de faire une sélection », hormis quelques universités chouchou de la droite comme de la gauche et que tout le monde connaît.
La dernière réforme fut une espèce d’acmé où l’on atteignait enfin le monde prodigieux de l’autonomie et de l’excellence, sur la base d’un modèle libéral emprunté outre Atlantique, mais bordelisé à la mode française pour transformer les universités en sociétés anonymes dont la performance serait l’essence, mais toujours sans sélection des étudiants.
Cette transformation était ahurissante, car il n’y avait rien à voir entre les modèles et leurs règles de fonctionnement et ce qu’on voulait faire des université françaises. Si l’on ajoute à cela, l’invraisemblable réforme de la formation, il y avait matière à mettre les universités à feu et à sang. Mais, même s’il y eût quelques points durs, la réforme passa et tous les universitaires sont désormais en train de « publish or perish » comme des furieux et d’attendre des primes qui seront distribuées selon des critères abscons. L’énergie créative est absorbée par la servilité pour les primes, la servilité pour avoir des moyens de chercher et publier, des couches de strates de toutes sortes, les PRES, les pôles d’excellence et autres structures qui occupent bien du monde dans bien des réunions.
Tout le monde est redevenu bien sage et bien obéissant. Une fois de plus, les universitaires appliquent une réforme inconcevable sans autre contestation que des jérémiades autour de la machine à café.
Déprimant
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