Et si le mammouth n’était pas là où on le croit

Et si le mammouth n’était pas là où on le croit

mammouth.1208556302.jpgJe lis avec grand intérêt la contribution de Sophie de Menthon, intitulée « le cauchemar des cabinets fantômes  » qui décrit la complexité de la démarche du chef d’entreprise qui souhaite rencontrer tel ou tel responsable ministériel. Elle décrit, de façon tout à fait suggestive, le Chemin de Croix du demandeur: déjà obtenir un rendez-vous après avoir passé des dizaines de coups de téléphone, raconté des dizaines de fois son histoire et franchi les barrages de toutes les couches défensives. Elle dépeint le jeu de patate chaude qui consiste à renvoyer le solliciteur de ministère en ministère après l’avoir fait lanterner plusieurs semaines puis baladé d’ici à là, de là à ailleurs et d’ailleurs à autre part. Elle raconte l’humiliation du rendez-vous avec un jeune et brillant énarque imbu de lui-même dont l’attention labile est encore diminuée par des coups de téléphone importuns.

Mais ce qu’elle ne dit pas, c’est que cette glu bitumineuse s’est reproduite à tous les échelons de l’administration territoriale et que les Préfectures de Région comme les Préfectures de Département ont décliné cet immense pandémonium ad libitum. Ceci incluant toutes ces Directions du Travail et de l’Emploi, toutes ces Directions Départementales de l’Equipement, toutes ces Inspections Académiques et tous ces Rectorats, dans compter les DDAS, les DDIS, etc, etc, etc.

Et elle ne dit rien des piles de dossiers ! Les informaticiens disposent dans les méthodes de programmation des ordinateurs de deux sortes de pile de données: les piles FIFO (« first in, first out ») et les piles FILO (« first in, last out »). Ils ont, pour des raisons techniques sur lesquelles je ne m’étendrai pas ici une prédilection pour les piles FILO. Mais il semble bien que l’administration ait la même, ce qui conduit à examiner en premier le dernier dossier reçu. Malheur à celui qui se trouve au fond de la pile car il a toutes les chances de n’être jamais dépilé.

L’Administration de l’Education Nationale, réputée mammouth à dégraisser depuis les paroles du ministre renégat que l’on sait, n’est jamais qu’une application dans le plus important service de l’Etat, celui de l’éducation, du principe général. Par exemple, la loi d’autonomie des universités a provoqué le transfert d’un certain nombre de responsabilités et charges associées des Rectorats ou du Ministère vers les Universités elles-mêmes qui ont, derechef, transféré une part de la charge aux Facultés. Et voici qu’en raison même de ces charges et de façon complètement légitime, le mammouth s’est engraissé vers le bas. Mais il ne s’est pas pour autant dégraissé par le haut !

C’est pourquoi je m’adresse ici à tous les ministres grands pourfendeurs du mammouths de commencer par dégraisser celui qui les entoure au plus près d’eux-même et d’en donner exemple. Ce faisant, je sais que cette exhortation n’aura pas plus d’effet qu’un murmure au fond du Grand Canyon du Colorado.

Bakounine