Je ne sais pas si l’idée de « l’Union Méditerranéenne » est de Sarkozy. Cela n’a d’ailleurs qu’une importance secondaire, puisqu’il la porte. mais est-ce une bonne idée ?
Si l’on regarde l’expérience de l’Union Européenne, on peut effectivement être tenté d’y voir un facteur de paix.
En 1957, soit seulement 12 ans après la fin de la guerre, les trois pays unis du Bénélux, la France et l’Italie signèrent le Traité de Rome qui fonda la Communauté Économique Européenne. Parmi les six, deux d’entre eux avaient porté la guerre en Europe. Et l’un d’entre eux, l’Allemagne, avait laissé des traces incurables. Et pourtant ces six nations décidaient de s’unir, à la fois pour se développer économiquement face aux hégémonies américaines et soviétiques etaussi pour créer une force politique avec laquelle il faudrait compter. Et, en décidant d’interpénétrer peu à peu leurs économies, ces six nations se mettaient, de facto, en position d’alliés. La suite a montré que ce pari était loin d’être stupide.
Rien de ressemblant avec ce que pourraient être les conditions de la naissance d’une « Union Méditerranéenne ».
Les obstacles sont en effet gigantesque. Il y a là des pays qui furent colonisateurs et d’autres qui furent colonisés. Il y a des pays riches et des pays pauvres. Il y a des pays démocratiques et d’autres qui sont bien loin de l’être. On y parle une dizaine de langues et combien de dialectes ! Il y a des pays en majorités chrétiens et des pays en majorité musulmans. Il y a le cas particulier d’Israël. Il y a ceux qui ont la bombe atomique et ceux qui ne l’ont pas. Il y a des pays qui sont ou ont été récemment en guerre plus ou moins ouverte les uns avec les autres.
Quand on réfléchit un peu, le plus petit commun multiple est ridiculement voisin de rien du tout. On peut presque affirmer que seul le fait d’être pays riverains de la même mer est le seul trait commun. Et pourtant cette région fut le berceau d’une civilisation. L’histoire ancienne qu’on nous a apprise nous a conduit de Marseille à Rome, de Rome à Athènes, d’Athènes à Troie, de Troie à Carthage, de Carthage à Alexandrie.
L’un des obstacles majeurs est probablement politique et, au delà, constitutionnel et institutionnel. Il m’est arrivé de poser la question de ce que serait devenue l’Algérie si elle ne s’était pas écartée de la France. Imaginons qu’elle en soit devenue une région dont on aurait fait disparaître toute trace de colonialisme, où l’on aurait, naturellement, mis en place des institutions aussi démocratiques qu’en France et où l’on aurait fait bénéficier tout le peuple de l’immense retombée de l’exploitation des richesses naturelles et d’une agriculture potentiellement très productive. J’ai des amis arabes qui me disent que, de toute façon, c’est un rêve, car il y a le passé colonial. Mais quel passé ne peut être rangé aux archives de l’histoire. En douze années seulement, les français qui avaient été victimes des SS, de la gestapo et des camps nazis, on trouvé la force de signer un traité avec l’Allemagne. En 1957, les « fondateurs » de l’Europe n’étaient pas forcément très populaires. Mais dès lors que les institutions des deux pays étaient devenues comparablement démocratiques, les obstacles pouvaient être surmontés.
Tous les pays riverains du nord de la Méditerranée ont désormais des institutions démocratiques. Tous les pays du sud, sauf Israël (mais qui est une pière rapportée, qu’on le veuille ou non) n’en ont pas. Ou presque pas. La Turquie qui vent rejoindre l’Europe est encore bien imparfaite de ce point de vue.
L’Europe du Nord a fait son ménage. Après avoir viré Hitler et Mussolini, elle s’est débarrassée des institutions de Franco et Salazar, des colonels grecs et des dictateurs yougoslaves.
Il est malheureusement probable qu’un tel ménage soit indispensable dans tous les pays du rivage sud pour que l’Union Méditerranéenne prenne son sens. Il y a encore du chemin à parcourir.
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Notes d’économie politique 20 – 8 mai 2008
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