Comment organiser le « mammouth » (1)

Comment organiser le « mammouth » (1)

Le « mammouth », bien sûr, c’est l’Education Nationale. Ce monde souffre de maux endémiques depuis tant et tant d’années qu’il devient pratiquement impossible d’y changer des choses. Et pourtant. Les enseignants ne sont pas heureux, au moins un nombre significatif d’entre eux. Les autres membres du personnel ne le sont pas davantage. Et voici que se profile le serpent de mer de l’avancement « au mérite » dont j’ai expliqué précédemment l’impossibilité.

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Une des maladies du mammouth est son gigantisme. Une entreprise de 1,2 ou 1,3 millions d’employés (!) avec pour moitié, à peu près, les « productifs », ceux qui transmettent les connaissances, et pour l’autre moitié tous ceux qui les administrent. On imagine ! Quelle entreprise pourrait vivre avec 50% de son effectif employé à des tâches de gestion. Évidemment aucune !

Le gigantisme est le produit d’une histoire jacobine qui a eu autrefois son sens plein. Lorsque l’instruction est devenue obligatoire, c’était évidemment une mission de l’état de former et recruter les maîtres, de les déployer là où il le fallait, de garantir la position sociale de ces derniers. Il était hors de question de confier cela aux maires, sachant que nombre d’entre eux, à cette époque n’avaient pas forcément un niveau d’instruction, même moyen. De plus, l’état se présentait comme le garant de l’égalité des chances.

C’est dans ce contexte que fut créée l’école publique avec toute la grandeur de sa mission. Tous les historiens de l’éducation diront qu’elle n’a pas failli à sa mission et qu’elle fut à la fois le fondement de l’avancée sociale et de la démocratie. En étant laïque, publique et obligatoire, elle se plaçait au dessus des courants idéologiques et formait des hommes libres.

Quand l’instruction primaire fut mise en place, l’instruction secondaire était largement l’apanage des religieux. Elle était payante et socialement sélective. La mise en place de l’enseignement secondaire public vint donc tout naturellement. Face au collège des jésuites, on offrit l’alternative du lycée républicain. Certains noms étaient symboliques: Condorcet, Lakanal et naturellement Jules Ferry. Mais, ce faisant, on créait ainsi un appel social qui, au fil des ans, a rempli sa mission. La scolarisation jusqu’à 16 ans a encore contribué à élargir les population demandeuse. Il y a 50 ans, le Certificat d’Etudes Primaire était un sésame pour la vie professionnelle dans nombre de métiers. Aujourd’hui, c’est le baccalauréat voire davantage.

Ce gonflement des effectifs scolarisés a entraîné le gonflement des effectifs des maîtres qui a entraîné le gonflement des effectifs de gestion, mal contrôlés dans une forme ministérielle jacobine dans laquelle l’état voulait conserver son pouvoir sur tout.

Alors on a inventé des choses risibles comme les directeurs d’école qui n’avaient aucune autorité hiérarchique sur les instituteurs et le principal ou le proviseur qui ne devaient la leur qu’à leur charisme personnel. Et qui, par conséquent, n’en ont aucune quand le charisme leur fait défaut. Imaginons une entreprise dont le patron n’est pas le patron et dans laquelles les employés dépendent d’une grosse structure externe. Imaginons une usine d’un grand groupe où les ouvriers dépendent d’un service de ressources humaines externes et non point du chef de production local qui n’a pas le pouvoir de recruter si de licencier. Imaginons, en plus, que certains membres du personnel dépendent d’une direction et les autres d’une autre.

Une école primaire, c’est comme cela. Les maîtres dépendent de l’inspecteur, le personnel de service de la commune et le directeur n’a pas de véritable pouvoir sur tout ce monde. La situation des collèges, des lycées et des facultés est comparable. Certes un proviseur de lycée participe à l’évaluation des professeurs, mais, au final, c’est de l’inspecteur d’académie que ces derniers dépendent.

Voilà comment, le nombre aidant, on fabrique un mammouth.

Bakounine