[Mai 1968: commencer au début]
Je ne dors pas beaucoup. L’excitation est à son comble. La vision de la scène de guerre de la nuit m’emplit. Auhourd’hui, 40 ans plus tard, je la vois encore. Le feu, les explosions, des ombres qui se déplacent devant les flammes, des tirs.
Je suis persuadé qu’il y a eu des morts. Pourtant, il n’y en eu point. Probablement grâce au sang froid de certains responsables des forces de l’ordre. Et l’on savait bien que tout mort serait un martyr. Il fallait donc qu’il n’y en eut point. Il y en aura plus tard, mais pas cette nuit-là. Par contre, on saura par la suite qu’il y a eu plus de mille blessés, de part et d’autre.
Je m’éveille et me dispose à retourner sur les lieux. Et j’y retourne. Plusieurs fois, je fais le chemin de la rue Gay-Lussac et des rues avoisinantes. C’est un spectacle de désolation. Les voitures calcinées placées en travers de la chaussée forment l’essentiel du spectacle. Mais il y a aussi toutes sortes de matériaux. Il devait aussi y avoir des pavés, mais ce sont les véhicule qui attirent le regard. L’odeur est forte, restes brûlées qui fument légèrement et aussi l’odeur pénétrante des gaz lacrymogènes.
Les gens vont et viennent. C’est curieux comme ils sont silencieux.
Sur le moment, j’ai le sentiment de traverser le champ de bataille de la défaite. Ce spectacle déprimant, ajouté au souvenir des gazés que j’ai vu pendant la nuit, n’est pas encourageant. Les forces de l’ordre se sont emparés des barricades une par une. Bientôt on saura l’acharnement avec lequel elles ont poursuivi les manifestants jusque dans l’intérieur des immeuble sans se priver de matraquer des jeunes sans défense. Bientôt on saura aussi le nombre de personnes ayant été arrêtées.
Est-ce parce que j’ai mal dormi ? J’ai le sentiment que c’est fini. Que c’est perdu. Que l’ennemi a tout emporté.
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