Madame Rachida Dati, chargée par son maître de mettre en place une réforme de la justice, ne semble préoccupée que par une logique comptable: diminuer le nombre de tribunaux d’instance. J’avoue ne pas bien comprendre l’objectif. Car, si l’on veut supprimer le nombre de ces tribunaux, ce serait, en toute logique, parce qu’ils n’ont pas assez de travail. D’où mon étonnement très grand, car, dans le même temps, on parle de diminuer les « lenteurs » de la justice. Or, s’il y a moins de tribunaux, il est bien évident que les affaires mettront encore plus de temps à être jugée. Je n’y comprends rien.
Il me vient aussi à l’esprit un sujet dont on ne parle plus depuis la grande commission parlementaire: c’est l’affaire dite d’Outreau, non point tant en elle-même que par ce qu’elle a traduit d’un mauvais fonctionnement: il y a un juge d’instruction, jeune, peu expérimenté, qui se fait son intime conviction et qui, au lieu d’instruire à charge et à décharge comme le lui prescrit le code de sa mission, s’acharne dans une direction fatale. On y ajoutera une certaine propension à tricher avec le secret de l’instruction en s’adressant beaucoup trop à la presse. Et l’on a l’effroyable gâchis que l’on sait.
Au cours de cette affaire et au cours des auditions de la commission parlementaire qui a suivi, je n’ai pu m’empêcher de faire un rapprochement avec l’affaire Villemin . On y retrouve la même recette de l’erreur judiciaire: un juge d’instruction peu expérimenté, qui se fait une conviction que les faits ne justifient pas, qui instruit à charge et parle beaucoup trop à la presse. Là, comme plus tard dans l’affaire d’Outreau, des personnes et des familles entières seront les victimes irréparables de ces drames inhumains.
Et dans la suite, je ne peux m’empêcher, encore, de songer à Christian Ranucci. La encore, mêmes ingrédients. Sauf qu’ici l’enquête est expédiée par une police qui persiste sur une piste probablement fausse et qui s’acharne à faire rentrer dans son système de pensée tous les faits, même ceux pour lesquels c’est impossible. Quant à la juge d’instruction, jeune et peu expérimentée, également, elle se comporte de façon expéditive. Quand à la presse, elle porte à son débit, cette horrible phrase en entrée du journal télévisé de Roger Gicquel, à propos d’une autre affaire de meurtre d’enfant, mais qui crée une ambiance terrifiante: « la France a peur ! ». Crétin, Gicquel.
Sauf que là, Christian Ranucci a été guillotiné !
Certes, la peine mort a été abolie. En grande partie à cause de l’erreur judiciaire très probable ayant conduit à l’éxécution de ce malheureux jeune homme. Mais depuis, comme le montrent les affaires Villemin et d’Outreau, exemplaires, mais point les seules, la justice a encore bien des progrès à accomplir.
Madame Dati s’inquiète-t-elle de cela au moins autant que du nombre des tribunaux d’instance ?
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