Cette campagne, c’était comme mai 1968 * Nous ne sommes pas seuls !

Cette campagne, c’était comme mai 1968 * Nous ne sommes pas seuls !

Je relis tous les messages électroniques, tous les documents qui ont circulé et que nous nous sommes fait passer entre nous.
Quelle fraternité: un meeting au stade Charlety qui ressemblait à celui du 27 mai 1968: chaleureux, coloré, bariolé.
Quelle créativité ! Aussi bien littéraire que graphique. En cela, Internet a donné a tous un remarquable (mais pas assez redoutable) moyen d’expression. Combien de blogs ont-ils été créés ? Combien de lignes de blogs ont-elles été écrites ? Combien d’images ont été dessinées ? Combien d’affiches ont été dévoyées ?
Quand le nouveau président de la répblique déclare que c’en est fini de l’héritage de mai 1968, il n’a rien compris. Comment n’a-t-il pas vu que nous avons investi ce nouveau moyen d’expression, que nous l’avons mis au service de notre liberté d’expression ?
Et comment cela est-il venu ? Je n’imagine pas un seul instant que la productivité populaire eut été aussi féconde si Dominique Strauss-Kahn ou Laurent Fabius avaient été candidats. Ce sont donc des circonstances nouvelles qui sont à l’origine de cela. Et ces circonstances se nomment ségolène Royal. Voilà quelqu’un qui a su comprendre que la politique nouvelle ne pouvait se faire sans une participation franche et massive du peuple. En créant son site Internet « Désirs d’avenir » elle a donné le ton. En conduisant des réunions « participatives », elle a développé le concept.
A propos des meetings de Bercy de Sarkozy et de Charlety de Ségolène Royal, nombreux sont les commentateurs qui ont fait la même analyse: « le public de Bercy montrait une société homogène; celui de Charléty une société plus diverse, plus colorée. Dans le premier cas, beaucoup d’inclus; dans le second, beaucoup d’aspirants à l’intégration, de candidats à intégrer cette classe moyenne dont le sort reste une des clés de l’avenir » (J.M. Colombani, Le Monde, 4:5:2007). Tout s’explique alors. Il ya ceux (dont un grand nombre parmi les plus âgés) qui attendent du pouvoir qu’il leur trace la route, qu’il les protège, qu’il veille à ce que rien ne soit changé, qu’il les gouverne pour tout dire. Et puis il y a ceux, malheureusement un peu moins nombreux que les premiers, qui aspirent à ce que la représentation politique et l’exécutive qui en est l’émergence conduise une politique dont le peuple, en perpétuelle évolution, est la source et la racine.
D’une certaine façon, la démarche de Ségolène Royal est révolutionnaire. C’est du révolutionnaire « soft », mais c’est du révolutionnaire quand même. D’abord en se présentant plus comme un porte-parole, exécutif, mais porte parole tout de même. Beaucoup n’ont pas compris pourquoi elle ne répondait pas plus précisément à la question perfide de Sarkozy sur les 35 heures. Le second disait qu’il allait au plus vite ouvrir la possibilité de contingents d’heures supplémentaires (exonérés en partie de charges et d’impôts de surcroît). La première se contentait d’annoncer qu’elle allait remettre à plat. Revenir dessus, alors ? Non, remettre à plat, c’est à dire faire passer l’ensemble du dispositif à l’examen critique des partenaires sociaux pour en retenir, en supprimer ou en modifier ce qui semblerait utile aux uns et aux autres.
Ainsi, Ségolène Royal ne se présente pas avec des réponses toutes faites, mais avec une méthode qui est, pour l’essentiel, la concertation. En cela, elle est beaucoup plus fine que son adversaire, car elle ne s’expose pas à retirer un texte dans l’humiliation, comme le projet CPE. Elle sait aussi que, sauf à recourir à la dictature (ce qui est peut-être l’objectif de Sarkozy), on ne peut imposer brutalement et de façon durable des réformes qui n’ont pas l’adhésion d’une large majorité: «  »Le projet de Nicolas Sarkozy, c’est de prendre le pouvoir. Le mien, c’est de vous le rendre », «  »Je viendrai régulièrement devant vous vous rendre des comptes du pouvoir que vous m’avez déposé et non pas donné ». Il y a là des accents des fondamentaux de la première république et non de la cinquième.
Voici donc les deux mondes qui ont soutenu Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. Le premier qui a cru pouvoir espérer, pendant quelques mois, soulever le couvercle de la marmite se voit brutalement repoussé par le résultat de ce vote conservateur. Mais, grâce à la candidate qui a su fédérer toutes ces énergies, ils savent désormais qu’ils ne sont pas seuls. Il n’est pas certain alors que le couvercle ne se soulève pas par le seul effet de l’importance du bouillonnement du chaudron.

Peut-être cette nouvelle marche pour la liberté et le dialogue a-t-elle commencé.

Bakounine